Quizz : quelles sont ces quatre truites?

Chers amis pêcheurs,

Je n’ai pas une grande expérience et je me suis remis ces dernières années à la pêche, essentiellement à la truite, pour des raisons géographiques et parce que j’affectionne particulièrement les écosystèmes et morphologie des rivières et torrents de 1ère catégorie. Personnellement j’attache une grande importance à la gestion patrimoniale de nos rivières et j’ai toujours une certaine méfiance sur la provenance des truites que j’attrape (l’idée de transformer une rivière en pisciculture est assez déprimante pour moi). Donc quand j’attrape une truite, je me demande forcément combien de temps ou de générations elle a passé dans la rivière. Accessoirement je relâche 98% des truites que j’attrape, mais parfois je me demande si je ne pourrais/devrais pas garder tel ou tel spécimen.

Je ne veux pas relancer un débat sur ce sujet général (différente façon de gérer une rivière et sa population), mais je suis parfois surpris par ce que j’attrape et je vous propose ce quizz (en fait une question ouverte car je n’ai bien sûr pas les réponses) : Peut-on attribuer une espèce/souche/race/variété… aux quatre truites suivantes ?
(évidemment la base de la base, c’est plutôt MED ou plutôt AT, plutôt autochtone et sauvage ou plutôt hybride, voire domestique…)
Tout critère d’analyse bienvenu.




Je sais que c’est impossible de savoir sans analyse génétique (j’ai lu quelques papiers sur le sujet, notamment sur le lien entre patrimoine génétique de la truite et caractéristiques morphologiques), j’ai appris que nos truites sont des hybrides plus ou moins complexes, que leur phénotype est très variable et ne traduit pas leur génotype etc, donc en fait la question pourrait-être beaucoup plus simple :

est-ce que vous pêchez des truites qui ressemblent à ces truites dans vos rivières, si oui quelles rivières et à quelle souche pourrait-on attribuer ces truites ?

Pour le moment je ne vous donne pas la provenance des ces truites :stuck_out_tongue_winking_eye:, mais je pourrai vous aiguiller prochainement !

Merci d’avance pour vos avis et réponses ! :grinning:

ps : bien sûr les truites 2 et 3 se ressemblent comme des frères et soeurs, je n’aurais pu en mettre qu’une. On voit bien que ces deux truites ont les nageoires bien abîmées, surtout la caudale. Est-ce un critère sur leur provenance ?

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La 2 et la 3 viennent d’un bassin de pisciculture.

Fred

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A part dire que la 1 et la 4 sont probablement nées dans la rivière, et la 2 et la 3 sont des truites de bassines vu l’état des nageoires, je ne crois qu’on puisse dire davantage sans tomber dans la divination.

A+
J

Bonjour !
Je ne saurais me prononcer, mais j’ai lu il y a longtemps que le liseré blanc sur la nageoire anale était un des signes d’une truite sauvage, est ce vrai ?
La 1 et la 4 sont effectivement plus " belles " !
J’ai cependant l’impression que toutes les quatre sont de hybrides, au vu des robes…

Merci pour vos réponses !

Pour les 2 et 3 ça a l’air clair pour vous, je vous explique donc mon questionnement. Ces 4 truites ont été attrapées le même jour au même endroit, à moins de 100m l’une de l’autre, dans un petit torrent affluent de l’Isère que j’ai l’habitude de pêcher.
J’avais aussi l’impression que les truites 2 et 3 venaient d’un bassin. Leur combat était aussi pitoyable que leur appétit et leur désarroi apparent. Nageoires abîmées en bassin ou dans le torrent ? Depuis quand sont-elles dans ce torrent ?.. On dirait qu’avec l’étiage qui arrive maintenant, la rivière est trop petite pour elle. Il faudra que je contacte l’AAPPMA ou que j’aille à l’AG pour comprendre leur gestion. Je sais qu’ils relâchent, mais je ne sais pas quoi et où.

Ce qui m’intrique le plus, ce sont les deux autres. Elles sont assez différentes de ce qu’on trouve en général dans cette rivière, la première a peu de taches et la dernière a beaucoup de taches rouges. Je trouve cette dernière particulièrement belle. Vous en pêchez dans vos rivières ? J’espérais en attraper des comme ça cet été en Corse, la fameuse souche dite macrostigma, qui si j’ai bien compris est en fait l’espèce adriatique (Salmo cenerinus). Comme les gènes de la souche adriatique ont été retrouvés en France dans le bassin de la Durance, je me demandais si ça existait aussi sur l’Isère.
J’ai pêché cet été dans le Piemont italien et en Corse, ce qui m’a amené à me poser ces questions…

Elles se bouffent les nageoires contre le béton des bassins de pisciculture et l’atrophie est aussi favorisée par une maladie (le fin-rot) d’origine bactérienne ou fongique. Mais ces poissons ne semblent pas en être affecté.

Les autres, provenant du bassin de l’Isère devrait être de souche méditerranéenne. Il semble malheureusement que ça soit des hybrides avec la souche atlantique d’où la diversité de phénotype.

La ponctuation avec ces points auréolés fait penser à des Atlantiques tandis que la forme de la tête avec une opercule qui va loin derrière serait plutôt une caractéristique de méditerranéenne.

Fred

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J’avais aussi vu ça quelque part, mais j’ai l’impression que les auréoles se trouvent aussi sur les méditerranéennes. Par exemple en Corse :
https://www.truitecorse.org/sites/default/files/2022-03/R_ECOGEA_morpho_TRF_Corse_versdef.pdf

Après avoir un peu plus fouillé, une étude plus récente que ce que j’avais vu semble trouver dans l’origine des truites corses un mélange de l’espèce méditérranéenne, de l’espèce adriatique et des l’espèce marmorata (ce qui parait logique en terme de géographie et de déplacement de population…).

je ne sais pas mais ça ne me parait pas un signe de truite domestique, souche atlantique. Les analyses génétiques (je ne suis pas du tout spécialiste) semble pouvoir attribuer « statistiquement » une lignée à nos truites, en se référant à des lignées plus « pures » que les autres (souvent présentes que dans quelques ruisseaux très en amont). Ca m’amuse de me demander ce qu’il en est du ruisseau que je pêche. Avec les barrières naturelles dans nos montagnes, s’il y a du poisson autochtone, il doit se sentir bien isolé :rofl: A quoi peut-il ressembler ?..

Celle là viens du Guiers au Pont du Curé.

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J’ai eu de la chance alors car c’est la seule fario que j’ai capturée sur le Guiers :yum:

Le responsable de la fédé Corse m’a dit que la seule façon fiable d’identifier une macrostigma était l’analyse génétique.

Je comprends que pour un individu, déterminer son origine nécessite une analyse génétique (outil peut-être un jour disponible en pharmacie ?..). Il faudra que je comprenne mieux ces questions, mais globalement la population d’une rivière est plus ou moins hybride, et d’autant plus proche de la souche d’origine à mesure qu’on remonte en haut des bassins. Avec bien sûr des rivières où la (ou les) souche d’origine a quasiment complètement disparu (encore un peu présente dans certains gènes, mais disparu à l’état d’origine). Sur ces questions, j’ai beaucoup aimé ce rapport sur l’état des populations de truite dans le Tessin :
https://m4.ti.ch/fileadmin/DT/temi/pesca/rapporti/CAS__ChristopheMolina_Caracterisation_genetique_des_truites_de_riviere_du_Canton_Tessin.pdf

(la truite marmorata a été élue poisson de l’année par la fédération suisse de pêche)

Mais il reste encore des portions de rivières, celles qui ne sont pas ou pas trop ensemencées et qui restent coupées de l’aval, où la souche d’origine résiste. Et au moins on en retrouve les traits dans les hybrides de la rivière.
C’est ce qui m’amène à me demander si on peut voir les traits d’origine du ruisseau que je pêche, malgré les repeuplements chaque année en truite atlantique ou arc-en-ciel. Ca ne se fera pas avec un seul individu. Il faudrait en effet une analyse génétique (sachant que les techniques évoluent, chacune ne lisant qu’une partie de l’histoire de la truite si je comprends bien), mais je me demandais si l’expérience, en connaissant un grand nombre de truites de la rivière, aidait à se faire une idée.

Il faudra que j’apprenne ce type, je ne sais pas à quoi ça correspond. Et je n’ai jamais vu de truite comme celle de tib63 :sweat_smile:

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C’est encore plus complexe que méditerranéennes/atlantiques/hybrides car tu as aussi à prendre en considération les types ancestraux et les types modernes issus de migrations après la dernière glaciation.

Ça devient vite un joyeux bordel.

Pour le bassin méditerranéen tu as ces deux exemples :

Et pour les Pyrénées :

Fred

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Merci Fred, il faudra que j’analyse et comprenne mieux les documents sur les pyrénées (ton doc sur la Corse est quasiment le même celui dont j’avais donné le lien, amusant !).

Parmi les questions que je me pose, c’est la place en France de ce que les articles récents sur la génétique des populations appellent l’espèce Adriatique, dont on ne parle jamais il me semble.
Encore une fois je suis novice, mais j’ai l’impression que l’approche classique est de parler d’une espèce de truite avec des souches, des lignées etc, alors que la tendance récente est de distinguer 5 espèces de truites (qui peuvent s’hybrider bien sûr, d’où le bazar). J’ai trouvé un site qui résume bien cette tendance et propose une photo plus ou moins « typique » des Truites européennes :

https://sfv-fsp.ch/fr/poisson-de-lannee/2020-la-truite/dossier-truite/les-cinq-especes-de-truites/

extrait :

Ces dernières années, les progrès rapides de la technologie de laboratoire et de la puissance de calcul ont permis d’étudier de plus près la génétique complexe de la truite. Les résultats ont conduit à une nouvelle perspective. Les grands instituts de recherche suisses et l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) distinguent désormais cinq espèces de truites différentes qui ont migré vers les quatre grands bassins versants et s’y sont développées. Il convient toutefois de considérer cette taxonomie comme provisoire.

Du coup ça devient de plus en plus « clair » pour moi, avec quelques hypothèses.

Le type atlantique (salmo trutta) et si j’ai bien compris le type méditerranéen (salmo rhodanensis ?) sont clairement représentés sur ces photos. Je comprends mieux ce dont parlait Stan et la belle truite de tib. OK pour ces deux types qui semblent considérés comme des espèces différentes (qui peuvent s’hybrider bien sûr).

La marmo et la danubienne, n’en parlons pas, leurs gènes ne devraient pas être représentés en France (avec mon fils on est allé chercher la marmo dans le Piemont cet été, on en a pris deux assez représentatives mais surtout des hybrides).

Mais l’espèce qui m’intéresse le plus est l’adriatique. Mon hypothèse est que ce type (souche, espèce) est représentée en France dans le bassin méditerrannéen, et il faut le considérer comme une souche sauvage et autochtone (plus de 10.000 ans d’installation quand même, pas de quoi la critiquer :laughing:). Dans l’article suivant (2011) :

https://peche-hautes-alpes.com/wp-content/uploads/2019/03/Etude-Ge%CC%81ne%CC%81tique-TRF-Durance-2010.pdf

il est dit cela :

En complément de la principale dichotomie AT/ME en France [continentale], apparaît ici une nouvelle subdivision, au sein du bassin méditerranéen.
La présence, dans les populations de la haute Durance, de la lignée AD […] est une information nouvelle et originale. Aucune étude portant sur l’analyse de données mitochondriales n’avait intégré ce fleuve jusqu’à présent, et c’est la première fois que des haplotypes AD sont retrouvés dans le bassin méditerranéen français.
La lignée AD peut donc être considérée comme une seconde lignée méditerranéenne plutôt qu’une lignée strictement adriatique.

Donc je crois qu’il faut considérer qu’il y a deux espèces de truites méditerranéennes en France.
(j’avais aussi lu que la truite « corse » (dite macrostigma) est en fait pour beaucoup une truite adriatique, mais c’est à préciser.)

Pour ma part, cette truite forme adriatique (qui a donc en fait colonisé le bassin méditerranéen au delà de l’adriatique, on la retrouve dans les pyrénées espagnoles) est esthétiquement ma forme préférée.

Et mon fil avait pour motivation de savoir si vous péchiez des truites comme la truite 4 de mon quizz dans vos rivières. Je suis « fasciné » par ses points rouges. « malformation » génétique ou au contraire expression de certains gènes ancestraux ? J’ai tendance à penser qu’elle a du sang adriatique, mais je ne sais pas si je fantasme. Si c’est le cas, ce serait très justifié de penser que c’est une souche autochtone sur certains affluents de l’Isère. Même si bien sûr, encore une fois, toutes les truites sont plus ou moins hybrides.

Je crois aussi qu’il ne faut pas exagérément assombrir le tableau des hybridations. Dans ce que je lis il semble qu’il y ait encore pas mal de cours d’eau qui ont gardé les formes originelles de leurs truites. Les truites fario atlantiques ont tendance à ne pas « proliférer » et perdent la bataille face aux souches locales. Il y a introgression de gène, mais rien de « dramatique ». Quasiment toutes les publications que je lis constatent que la gestion de repeuplement par les atlantiques est un échec (je n’ai d’ailleurs pas bien compris les arguments génétiques…) et qu’il vaut mieux pour tout le monde repeupler avec du local. Je crois qu’en Suisse et en Italie ils en ont pris conscience. Je ne sais pas en France, encore une fois je suis novice…
Merci pour vos avis et éclairages.

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Euh comment dire… Et si on laissait la génétique aux généticiens ?

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J

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eh bien, essaie de le dire plus clairement :wink: pour éviter les polémiques inutiles !

qui n’a pas laissé la génétique aux généticiens ?
Il se trouve que les questions scientifiques m’intéressent (plus que certaines certitudes), ainsi que le partage de connaissance. Et si la génétique doit rester aux généticiens, certains en ont peut-être croisé, voire certains ici peuvent être des spécialistes.
Par ailleur j’ai justement posé mes questions de façon très ouverte. Je rappelle que la question principale que je me pose est de savoir si les truites ressemblant à la truite 4 se pêchent fréquemment, et où. Juste parce que je les trouve belles et que leur histoire m’intéresse (plus que la progéniture n+1 de la pisciculture). Chacun ses goûts, non ? :grinning:

A ceci prêt que la génétique se n’est pas comme la PALM, celà demande un important corpus de connaissances théoriques avant de pouvoir réellement comprendre de quoi on parle. Par exemple, comprendre les limites et les insuffisances du type de données dont on dispose et avoir ainsi une lecture critique sur les rapports qu’on lit. Et je ne te fais pas la leçon, je te dis juste que ce que tu souhaites faire c’est impossible parce que c’est trop complexe.

A+
J

bah je suis sans doute meilleur scientifique, c’est mon métier, que palmiste (encore que pas si mauvais en lancer à la mouche, j’ai remporté un prix, une canne à mouche, dans un concours à 14 ans dans le bois de Boulogne, grand souvenir, très impressionné par les figures historiques de l’association TOS, dont j’ai longtemps fait partie à cette époque).

Là, je n’ai fait que reprendre des articles plutôt bien vulgarisés, oui les parties génétiques et statistiques sont ardues, mais on peut s’en faire une idée (c’est du boulot pour les décideurs, en particulier les associations et fédé de pêche). Je n’ai fait que poser deux questions, la deuxième est purement expérimentale. Ce que je souhaite au fond, c’est savoir si on peut parler d’une espèce adriatique en France, ce dont on ne parle pas il me semble. Quand Stan dit qu’il ne pêche plus de méditerranéennes zèbrées, j’ai envie de savoir s’il ne pêche pas des souches locales différentes. Mon point de départ était les truites corses et les marmo que je suis allé pêcher. C’est pas de la technique de palm (j’ai pratiqué la sèche en Corse, pas en Italie), mais ça concerne nos poissons.
Si quelqu’un a une idée de l’état actuel des connaissances dans un domaine qui bouge et qui se précise, si une structure a envie de lancer une étude sur d’autres rivières que celles déjà testées, je trouverais ça intéressant. Je ne prétends rien dire de plus. Désolé si je heurte le forum !

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Je pêche régulièrement le Guiers et je peux t’assurer qu’il en reste.
Prise également au pont du curé :

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Tu as raison Stan, je dirais que les hybrides représentent 7 poissons sur 10 et les 3 autres sont des méditerranéennes pas forcément pur souche.
C’est un peu approximatif mais c’est plus ou moins ce que j’ai pu observer.
Malgré tout, ça reste de superbes truites qui pour certaines ressemblent à des panthères des Pyrénnées.
Il y a également depuis cette année, des déversements de truites arc en ciel sur le secteur du Pont du curé, qui d’après les membres de l’aappma locale, est un secteur dégradé :thinking:.

Je pense que la reproduction fonctionne sur cette rivière et sur pleins d’autres d’ailleurs.
Le vrai problème, ce sont les mois qui suivent et les différentes agressions que peuvent subirent les juvéniles.
Déjà que sans l’intervention de l’homme, le pourcentage d’alevins qui arriveront à l’âge adulte est très faible. Si tu y ajoute une absence de caches, ceux qui se font piétiner en début de saison par les pêcheurs peu scrupuleux et encore d’autres dans la saison par les baigneurs et bien ce faible ratio diminue encore.
A cela s’ajoutent, bien d’autres maux dont nos cours d’eau sont victimes.
Quand on y réfléchit, les salmonidés ont une résilience hors norme.