3 ans et 4 mois.
Il est si petit - pas plus haut que trois pommes - mais l’attente est si grande !
C’est enfin le jour J.
Après beaucoup d’entraînement au jardin et dans le salon, d’observation du papa au bord de l’eau, d’attentes impatientes des retours de pêche tardifs, de rêves autour des livres et des récits, voici la première fois avec une « vraie canne » et un « vrai moulinet » au bord de l’eau : une petite rivière poissonneuse et pas trop difficile spécialement choisie pour l’occasion.
Matin de montage (trois beaux sedges bien visibles), préparation du casse-croûte, une polaire, un chapeau sur la tête, et c’est parti.
Ô la grande excitation tout intérieure !
On coupe le contact. La portière claque. On descend.
Que c’est bon ce temps gris et humide !
On ouvre le coffre, et tout de suite un grand moment : la remise solennelle de la première canne au bord de l’eau. On dévisse le tube, on sort le fourreau d’un vert profond et ancien. On voit des yeux qui brillent (ceux du père, ou ceux du fils ?).
C’est une belle 7 pieds pour soie de 5-6, solide, franche, légère. Et puis ça lance tout seul.
Un sourire timide et fier, mêlé d’étonnement, s’esquisse sous le chapeau de paille.
« C’est ma canne, c’est moi qui la tiens ! »
Une petite marche d’approche, main dans la main, à travers jardinets et bosquets. Des flaques où sauter avec les bottes, des orties où se piquer les genoux, des escargots, des fleurs et des limaces, avant le passage toujours impressionnant auprès de la scierie : son vieux moulin figé, ses chariots rouillés oubliés sur des rails étroits toujours couverts de sciure, la pénombre humide, les mousses, les parterres de salicaires, puis enfin - chut, écoute ! - le bruissement tout près de la rivière en contrebas. On descend un escalier en pierre, on passe le petit pont en bois, et c’est là.
La vie, c’est si simple. Il suffit d’attacher une mouche.
« Ne t’approche pas trop de l’eau ! Si tu tombes… »
« Là, c’est bien ? »
« Oui. Tu es prêt ? »
« Oui ! »
« Bon, vas-y ! »
…
« Arracher, poser. Regarde ta mouche ! »
« Magnifique ! Laisse aller jusqu’au bout de la dérive. »
« Arracher, poser. Arracher, poser… »
« Oh, c’était un beau passage ça, Papa !!! »
Sourire.
C’est qu’il se débrouille bien, le petit.
« Arracher, poser. Ma-gni-fique, bravo ! Regarde toujours bien ta mouche ! »
Gloups !
Nom d’un chien, elle a gobé !
Cri du petit.
La suite en images.