Vous découvrirez dans ce court article une nouvelle réalité générée par cette maladie contemporaine qui consiste dans le désir d’une quête rapide et facile du Graal, avec assurance réussite intégrée. Pauvres chevaliers postmodernes, qui ne connaissent plus le sens du mot quête, ni celui de l’effort et de l’aventure !
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Une nouvelle technologie de pêche fait craindre pour les gros poissons des lacs suisses
L’arrivée sur le marché helvétique d’un nouveau type de sondeur, permettant de localiser les poissons avec une précision inédite, rebat les cartes de la pêche sportive lacustre. Sur le lac des Quatre-Cantons, cet équipement sera interdit dès septembre
La technologie «Livescope» permet de visualiser en direct l’activité des poissons dans un rayon de plusieurs dizaines de mètres. — © Garmin
Il répond au doux nom de «Livescope» et constitue la révolution copernicienne de la pêche sportive dans les grands lacs alpins. Ce nouveau type de sondeur (sorte de sonar qui scanne l’eau à la recherche de poissons) permet aux pêcheurs amateurs de connaître avec une précision inédite ce qui se déroule sous leur embarcation. Arrivé sur le marché il y a quelques années et connaissant ces derniers mois un succès fulgurant en Suisse, cet outil est si précis qu’il permet de repérer et de visualiser en direct un poisson en train d’attaquer un leurre à 20 mètres de profondeur. Grâce à cette technologie, les prises records se succèdent comme jamais cet été, au point de susciter la crainte d’une diminution des stocks.
La Commission de la pêche du lac des Quatre-Cantons a ainsi décidé d’interdire cette technologie dès le 1er septembre 2023, et une mesure similaire a été prise pour le lac de Sarnen. «Le Livescope, c’est un peu le ChatGPT de la pêche», image Maxime Prevedello, porte-parole de la Fédération suisse de pêche (FSP), qui s’inquiète: «Cet outil très puissant, principalement utilisé par les guides de pêche, leur permet notamment de cibler avec beaucoup plus d’efficacité les brochets trophées recherchés par leurs clients. Quel impact pour ces poissons? Quel avenir pour une pêche sportive sans le mystère et l’incertitude? Voilà autant de questions qui se posent suite à cette interdiction.» Le sujet sera débattu lors des prochaines réunions de la FSP et de la Fédération internationale des pêcheurs amateurs du Léman (FIPAL).
Bijou et poison
«Le Livescope, c’est autant un bijou qu’un poison», analyse Adrien Belgrano, guide de pêche sur le lac de Neuchâtel. Lui-même utilisateur de cette technologie, il reconnaît qu’elle a tout changé: «Certains gros sandres, silures ou brochets qui étaient auparavant tranquilles sont désormais facilement trouvables et pêchables. Sur nos lacs romands, c’est devenu normal de capturer au moins trois poissons mesurant plus d’un mètre en une journée.» Le pêcheur redoute une démythification de la pêche: «Autant je suis content d’avoir ce sondeur certains jours, autant je le trouve parfois inepte, car il banalise la prise de poissons exceptionnels et focalise l’attention sur l’écran, au lieu de profiter du paysage. De plus, il rend caduque toute la compréhension du milieu, qui était si nécessaire lorsque l’on pêchait à l’aveugle.»
Quant aux pêcheurs à l’ancienne, ou ceux qui n’ont simplement pas les moyens de se procurer le Livescope (il faut compter plusieurs milliers de francs pour une installation complète), ils craignent une concurrence déloyale. Outre le côté peu sportif de l’engin, Adrien Belgrano craint une réelle menace pour les populations de gros poissons, qui sont également les meilleurs géniteurs: «Je pense que c’est un vrai risque. Même en no-kill [la remise à l’eau du poisson après sa capture, ndlr], on ne peut pas toujours s’assurer que tous les poissons repartent bien. Et il y a encore beaucoup de pêcheurs qui gardent leurs prises. C’est certain que l’impact sur les populations de gros poissons sera conséquent. Faut-il pour autant l’interdire? Je suis partagé…»
Les pêcheurs le sont aussi. Selon un sondage mené par le magazine de pêche alémanique Petri Heil, 47% des sondés veulent interdire la technologie, 45% souhaitent la maintenir et 8% n’ont pas d’avis sur la question. Le débat, qui devrait également atteindre la Suisse romande ces prochaines années, s’annonce musclé.